Si notre société du tout jetable devait être illustrée, je pense que le rasage avec un rasoir jetable serait parfait ! Avec son obsolescence ultra rapide et son corps entièrement en plastique il regroupe toutes les caractéristiques de l’article à bannir de sa salle de bain zéro déchet. Mais par quoi pouvons nous le remplacer ?

[Un déchet en moins] – Au poil : rasage et mythe du multilames


Temps de lecture : 10 minutes

La salle de bain est probablement la pièce dans laquelle, avec beaucoup de marketing et sous couvert de progrès et d’hygiène, les industriels ont le mieux réussi à remplir nos poubelles (et à capter la hausse de notre pouvoir d’achat).

Le produit emblématique de cet envahissement est très clairement le rasoir. Déjà parce que le rasage quotidien et autonome est une invention assez récente (merci Monsieur Gillette – 1901) et ensuite parce que le rasoir a été à l’origine du plus pervers des modèles marketing pour les déchets : le freebie (ou « offrir » le support et faire payer très cher les recharges – comme pour les imprimantes, les cafetières à capsules, etc.).

 

Le rasoir est un produit indispensable qui 120 ans après sa démocratisation a encore besoin de publicité ? Etrange !

Campagne publicitaire de Fallon McElligot sur le rôle du marketing montrant une femme se rasant le visage avec un rasoir de surêté
Je pense que vous avez également fait ce constat assez simple : pas une seule coupure (oui je sais la blague est facile) pub ou un seul prospectus de grande surface sans la promotion d’un rasoir jetable multilames (vous vous rappelez sûrement des publicités pour les rasoirs à 10 lames sur un coussin d’aloe vera…) qui glisse mieux que tous les autres et laisse la peau lisse sans irriter et sans poil !
Ouf !!! Ça fait au moins 30 ans que le même discours est utilisé (aussi longtemps que je me souvienne) et que l’on continue à croire à ces arguments. Jusqu’à la prochaine innovation avec une lame à l’arrière du blister… Je rigole, déjà fait !

Rasage de qui ? De quoi ?

De vous, lecteur ou lectrice et de tout ce que vous voulez… Du moment qu’il y a des poils et que vous n’en voulez plus à cet endroit là (c’est vous qui choisissez, pas les magazines !). Parce qu’en plus de nous faire croire que les poils étaient en trop et que plusieurs lames enchâssées dans un blister en plastique rasaient mieux qu’une, les as du marketing ont réussi à nous faire croire que les rasoirs pour les hommes devaient être différents de ceux des femmes. Personnellement je doute que cette différence aille au delà de la couleur et du prix (la fameuse Taxe Rose).

Dans tous les cas, les quelques premiers conseils rasage ci-dessous devraient vous permettre de limiter l’impact de votre peau douce sur votre portefeuille et votre environnement.

 

L’histoire du rasage

Si j’en crois Wikipedia et sa page consacrée aux rasoirs, le rasage était une pratique déjà développée il y a 20000 ans. Oui 200 siècles de rasage ! L’histoire ne dit pas qui des hommes ou des femmes utilisait les lames en bronze découvertes mais le résultat est le même : cela fait au moins 200 siècles que l’on fait la chasse aux poils du menton et d’ailleurs.

L’outil s’est amélioré au fil des siècles mais le principe est resté le même et surtout, l’auto rasage (ie la pogonotomie) ne s’est pas développé pendant 197 siècles !!! Barbier était un métier répandu et les classes aisées se faisaient raser jusqu’au 19ème siècle. Est-ce que ce changement est lié à l’apparition des miroirs abordables ? Aucune preuve mais un parallèle assez facile à faire d’après Sophie… Il faudra en effet attendre le 18ème siècle et l’invention du rasoir de sureté pour commencer à voir se développer cette pratique : pour résumer dans un jargon Startupnationien, les barbiers se sont fait gillettiser !!!

Totem blanc rouge et bleu d'un barber shop à Puigcerda

Totem d’un barber shop à Puigcerda

Par la suite, le rasage individuel à l’aide d’un rasoir manche, jetable ou avec des têtes interchangeables, s’est développé à partir années 60 grâce aux nouvelles capacités des industriels à mouler et injecter le plastique. C’est à ce moment là, encore une fois, que tout est parti en vrille !

 

La solution ultime pour réduire ses déchets liés au rasage : le coupe chou

Autant vous le dire tout de suite cette solution n’est ni la plus simple, ni la moins effrayante, par contre elle est vraiment zéro déchet… Si on ne compte pas les pansements et autres cotons… Pour ma part je n’ai jamais franchi le pas du coupe chou ! Et pourtant c’est la méthode qui a été utilisée pendant au moins 197 siècles par les barbiers.

Pour résumer la méthode, vous faites glisser le coupe chou bien aiguisé sur votre peau bien tendue. Nous ne sommes pas loin du film d’horreur… Vous entendez la petite musique angoissante ? Vous voyez la vapeur sur le miroir de la salle de bain ? Comptez une bonne demi heure pour vous raser ainsi le visage.

Vous commencez à comprendre pourquoi nos aînés préféraient le port de la barbe ? Pourquoi ils allaient voir le barbier ?

Si vous n’avez pas peur de vous couper, je ne peux que vous recommander, avant de vous lancer, d’aller vous renseigner auprès d’un vrai barbier et si possible de prendre quelques cours. Vous pouvez également consulter des vidéos Youtube (flippantes… Non loin de moi l’idée de vous décourager).

Au delà du coupe chou, pensez a prévoir le nécessaire pour aiguiser et entretenir la lame.

On se dégage de toute responsabilité si vous vous coupez 😉

 

Solution ultime bis : le coupe chou chez un barbier

Si vous tenez vraiment à être rasé zéro déchet et que vous ne voulez pas prendre trop de risques pour commencer, vous pouvez essayer de trouver un barbier qui accepte de vous raser avec votre propre lame. Pour cela, rien de mieux qu’une petite requête dans les pages jaunes sur votre ville. Il ne faut par contre pas avoir besoin de se raser trop souvent ou être vraiment riche.

Je ne parle volontairement pas à ce stade d’un rasage avec le matériel du barbier, c’est plutôt la solution en dernière position car elle génère un peu de déchets en plus de coûter très cher.

 

Solution raisonnable : le rasoir de sureté

Le rasoir de sûreté a été imaginé il y a 300 ans… Malheureusement vous ne trouverez plus ces vieux modèles en bois avec une lame à aiguiser.

En effet, un certain Monsieur Gillette a inventé un modèle économique basé sur des lames interchangeables. Tous les les rasoirs (y compris de sûreté) sont désormais sur ce modèle. Malgré tout, depuis les années 60, les lames sont en acier inoxydable. Elles peuvent donc être conservées quelques jours sur le rasoir sans rouiller et en conservant un certain tranchant. Par ailleurs le brevet sur les lames est tombé depuis près de 100 ans. Vous trouverez donc partout plein de fabricants de lames avec des caractéristiques différentes (durabilité, tranchant…). Les prix sont très modestes et ont assez peu évolués depuis les années 1900 car le paquet de dix lames se vend toujours quelques euros.

Pourquoi les rasoirs de sûreté génèrent ils moins de déchets alors ? Tout simplement parce que vous ne changez que la lame !

Rasoir de surête double edge Muhle R89 et une boîte de lames Gillette 7 o'clock

Rasoir de surête double edge Muhle R89 et une boîte de lames Gillette 7 o’clock

Comme vous pouvez le voir, la lame 100% métallique vient se loger entre les deux mâchoires du rasoir. Il vous suffit ensuite de le refermer en vissant les deux parties du rasoir. Fini donc de jeter le rasoir complet ou la cartouche contenant les lames et du plastique, les lames, des bandelettes de produit cosmétiques à l’aloe vera impossible à recycler…

Lames de rasoir double edge usagées dans un bocal

Lames de rasoir double edge usagées dans un bocal

Solution avec des déchets et onéreuse : le barbier et sa lame interchangeable

Cela peut aujourd’hui apparaitre comme une évidence mais pour des raisons d’hygiène il est désormais impossible d’utiliser un coupe chou traditionnel entre plusieurs clients.

Votre barbier utilise donc un rasoir simple lame qu’il change après chaque client. La lame ne sert qu’une fois mais comme elle est en métal son recyclage est beaucoup plus simple qu’une cartouche de rasoir vendue en supermarché. Vous réduisez également les déchets mais vous ne pouvez pas passer votre temps et votre argent chez votre barbier. Gardez donc cette solution pour les grandes occasions comme vos grands-pères.

 

Solution paléo : revenir 20000 ans en arrière et arrêter de se raser

Je coupe tout de suite court à toutes les remarques : c’est de l’humour !

Dans notre culture chacun fait ce qu’il veut malgré les diktats que voudraient nous imposer les magazines. Au-delà de toutes ces photos d’hommes ou de femmes imberbes la seule bonne attitude est de faire comme bon vous semble…

 

Et le Rasage électrique dans tout ça ?

Il y a également la possibilité d’un rasoir électrique mais je ne suis vraiment pas fan. J’en ai utilisé un longtemps mais je trouve que ma peau tire énormément avec cette solution. Sans compter que le résultat n’est pas parfait. Au-delà de ce simple avis personnel, la question du recyclage en fin de vie se pose également question compte tenu des batteries, du plastique et des composants électroniques.

Le pire c’est que le dernier modèle de rasoir électrique que j’ai eu avait une base lavante qui nécessitait… des recharges !!!

 

Comment ce contenu a été écrit ?

Ça fait plusieurs années que je me rase avec un rasoir de sûreté. Tout a commencé à Prague à l’été 2012 avec un Muhle R41 à peigne ouvert. Ne commencez pas le rasage de sûreté avec un ce rasoir !!! Préférez un Muhle R89 ou un Edwin Jagger DE89 à peigne fermé.

 

Prix de reviens

Chaque lame, utilisable pendant une semaine environ, coûte 0,18€. Ce prix est à mettre en rapport des lames du dernier rasoir à la mode. Les lames du F***5 P***e : 17,20€ les 4 lames dans le drive à côté de chez nous. La lame à 4,30€ est utilisable environ une semaine également.

Crédits photos

Fallon McElligott, Advertising, ‘Shaving’

Copies d’écran de l’application Carrefour Drive le 13 août 2018 – Drive de Gennevilliers

Autres photos : MesNouvellesHabitudes – Toute reproduction interdite